L’agriculture est devenue aujourd’hui la cause principale de l’altération de la qualité des eaux souterraines et de surface. Il apparait de plus en plus que les mesures agro-environnementales ou mêmes les récentes mesures réglementaires de recherche de l’équilibre de la fertilisation ne sont pas à la mesure des problèmes posés. Des mutations profondes du système agricole, des changements plus radicaux dans les pratiques semblent nécessaires pour restaurer et concilier durablement production alimentaire, production d’eau potable et préservation des écosystèmes aquatiques. L’agriculture biologique se présente comme l’une de ces alternatives fortes, bien qu’elle ne représente aujourd’hui dans le Nord de la France qu’entre 1 et 4,5 % de la surface agricole totale. L’avantage, de ce mode de production encadré par un cahier des charges précis et des contrôles rigoureux est considérable en matière de contamination par les pesticides, leur usage étant proscrit. Néanmoins, ce mode de production suscite de vifs débats sur sa capacité à répondre aux besoins alimentaires actuels et à venir, et des doutes subsistent sur la persistance des risques de pertes environnementales d’azote, principalement par lixiviation.
Cette thèse vise à évaluer les performances agro-environnementales d’une cinquantaine d’exploitations AB enquêtées dans le bassin de la Seine, entre les différents modes de production labellisés AB et en comparaison des principales rotations conventionnelles respectant l’équilibre réglementaire de fertilisation. L’expression des performances des différents agro-systèmes s’appuie sur le concept de balance azotée des sols, intégré sur un cycle cultural complet. Le solde du bilan des apports azotés au sol (engrais de synthèse, apports organiques, fixation symbiotique, dépôts atmosphériques et irrigation), et des sorties d’azote par la récolte et le broutage défini un surplus non valorisé par la production, susceptible d’être entraîné vers l’hydrosystème par le ruissellement ou l’infiltration, volatilisé sous forme ammoniacale ou dénitrifié vers l’atmosphère ou encore accumulé dans le stock de matière organique du sol.
Il s’agit également de recenser les politiques mises en place depuis quelques années (gestion participative, contrats, fiscalité, foncier, durcissement réglementaire) par divers organismes publics, dont la Région Ile-de-France et l’Agence de l’Eau Seine Normandie et certaines compagnies de distribution d’eau potable, et d’analyser la manière dont elles sont reçues dans le monde agricole et les résultats auxquels elles ont donné lieu. Trois sites ont ainsi été choisis pour faire l’objet d’une étude couplée sociologique et biogéochimique au niveau local. Deux des trois territoires d’étude, Flins-Aubergenville dans les Yvelines, et la Plaine du Saulce dans l’Yonne, sont centrés sur des Aires d’Alimentation de Captage avec des objectifs précis de reconquête de la qualité de l’eau potable, portés pour le cas parisien par une entreprise privée de distribution d’eau potable, et par un partenariat agriculteurs-collectivités en Bourgogne. Sur le troisième terrain, le bassin versant de l’Orgeval en Seine-et-Marne, territoire emblématique des grands enjeux de la production céréalière du bassin de la Seine, nous étudions en particulier les conditions de l’acceptabilité du retour de l’élevage. Sur chacun des sites, le bilan azoté des sols est mobilisé pour fournir une image synthétique de l’évolution des pratiques agricoles, établir un diagnostic partagé sur l’origine des pollutions et penser les connexions possibles pour rééquilibrer les flux d’azote à l’échelle territoriale. En complément, l’analyse des jeux d’acteurs est déterminante pour mener une réflexion sur les gouvernances à mettre en place pour aboutir à une gestion territoriale intégrée de la ressource, associant collectivités territoriales, gestionnaires publics ou privés de la ressource en eau, agriculteurs, consommateurs et opérateurs économiques des filières.