Evaluation du carbone organique stocké dans les sols par analyse Rock Eval
Directrice de thèse : Sylvie Derenne
Afin de limiter les émissions de gaz à effets de serre vers l’atmosphère, de nouvelles réglementations environnementales devront rapidement être mises en œuvre. Ces futures contraintes législatives ont conduit la communauté scientifique à s’intéresser aux relations sol/atmosphère et à la capacité des sols à stocker du carbone organique de façon pérenne.
Le stock de carbone organique dans les sols résulte du bilan entre les flux entrants, essentiellement les résidus des plantes et les amendements organiques et les flux sortants liés à la minéralisation microbienne du carbone du sol. De ce fait, l'évolution des teneurs en carbone dans le sol va dépendre des conditions environnementales et des mécanismes de protection des matières organiques (MO) contre cette biodégradation microbienne. En France, 3 à 4 milliards de tonnes de carbone sont stockés dans les 30 premiers centimètres de sols.
Dans la MO du sol, on distingue plusieurs compartiments cinétiques à partir de leur temps de résidence, de quelques années à des dizaines ou même des milliers d'années pour la fraction la plus stable (Coleman et Jenkinson, 1996 ; Parton et al., 1987). Cette distinction reflète des différences d’efficacité de la minéralisation par les microorganismes, en lien avec leurs interactions avec les minéraux, conduisant soit à une minéralisation (déstockage de carbone) soit à une stabilisation (stockage de carbone).
Dans ce contexte, l’évaluation de la stabilité du carbone du sol est un défi. Pour ce faire, une première étape est le développement d’une méthode standardisée pour l’analyse de la stabilité du carbone des sols. L’analyse Rock-Eval (RE), déjà reconnue comme méthode de référence dans l’exploration pétrolière, est de plus en plus utilisée pour la caractérisation du carbone organique (Corg) des sols et de sa stabilité biogéochimique. Des études publiées récemment démontrent que cette méthode est bien adaptée pour le suivi de la quantité et de la qualité du Corg des sols (Disnar et al., 2003; Hetényi et al., 2005; Sebag et al., 2006, 2016; Carrie et al., 2012; Delarue et al., 2013; Saenger et al., 2013; Barré et al., 2016; Soucémarianadin et al., 2018; Cécillon et al., 2018; Schomburg et al., 2018).
Jusqu’à présent, la pyrolyse RE en sciences du sol a été utilisée en adaptant les protocoles analytiques utilisés dans l’exploration pétrolière, sans que certaines hypothèses de base n’aient été remises en question. La MO des sols étant caractérisée par une grande teneur en heteroéléments (O et N), contrairement aux échantillons sédimentaires, leurs produits de pyrolyse doivent être plus sensibles thermiquement et il sera crucial de vérifier leur évolution avec la température. Par ailleurs, on sait que les minéraux peuvent interagir sur le craquage thermique de la MO sédimentaire (Espitalié et al., 1984). L’impact potentiel de la matrice minérale sur le craquage thermique de la MO des sols et, par conséquent sur le signal RE doit donc être quantifié.
L’objectif de cette thèse est de valider une méthode RE de référence dédiée aux sols, optimisée pour quantifier la fraction stable du Corg des sols. Pour ce faire, des échantillons de sol naturels représentatifs d’un grand nombre de conditions pédoclimatiques, de composition minéralogique et de contenu organique seront étudiés. Cette méthode doit aussi évaluer précisément la qualité et la quantité de Corg présent dans les fractions de la MO des sols, qui diffèrent par leur degré de stabilité thermique définie par RE. Pour mieux caractériser cette MO, la composition moléculaire des effluents de pyrolyse RE de la MO des sols sera déterminée. Cette étape de caractérisation est cruciale pour mettre en regard la réactivité thermique de la MO des sols et sa stabilité biologique. Des expériences d’incubations en conditions contrôlées pour mesurer le potentiel de minéralisation de la MO des sols seront menées en parallèle pour étayer nos hypothèses sur le carbone stable en fonction de ses caractéristiques thermiques, moléculaires et de sa biodégradabilité. Cette partie expérimentale permettra aussi de relier la cinétique de minéralisation du carbone aux paramètres RE. A terme, des critères RE diagnostiques du carbone stable des sols pourront être proposés.