Soutenance de thèse de Stéphanie Laborie

Exposition humaine aux perturbateurs endocriniens par inhalation : caractérisation de la contamination de l'air intérieur par analyses chimiques et biologiques in vitro

Les membres du jury sont :

Armelle BAEZA, Professeur, Université Paris Diderot, rapporteur
Luiz Felippe DE ALENCASTRO, Laboratoire central environnemental, EPFL, Lausanne, rapporteur
Barbara LE BOT, Professeur, EHESP, Rennes, examinatrice
Corinne MANDIN, Ingénieure de recherche, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, examinatrice
Marc CHEVREUIL, Directeur d'études, EPHE, Paris, directeur de thèse
Lucie OZIOL, Maître de conférences, Université Paris-Sud, Châtenay-Malabry, encadrante
Elodie MOREAU-GUIGON, Maître de conférences, EPHE, Paris, invitée

Résumé : L’objectif principal de ce projet a été de développer une approche bio-analytique permettant l’évaluation du danger inhérent à la multi-contamination de l’air intérieur en Ile-de-France. Elle repose sur des analyses chimiques et biologiques in vitro. Des méthodes d’analyse chromatographique multi-résidus couplée à la spectrométrie de masse ont été développées et validées pour 62 composés d’intérêt présentant un potentiel perturbateur endocrinien (PE) avéré ou suspecté. Les deux phases atmosphériques (gazeuse et particulaire) de l’air prélevé dans quatre lieux de vie (crèche, maison, appartement, bureau) en deux saisons contrastées (été et hiver) ont été étudiées pour leur contamination en composés cibles et leur potentiel PE. Ce dernier a été évalué sur des bio-essais cellulaires de mesure de perturbation d’activité transcriptionnelle. Les résultats montrent que les familles de composés majoritaires dans l’air intérieur sont, par ordre décroissant : phtalates > muscs synthétiques > alkylphénols > parabènes. En outre, les composés sont prédominants en phase gazeuse, et les habitats les plus contaminés sont la crèche et la maison. Des analyses chimiques de l’air extérieur ont montré une origine interne de la majorité des composés recherchés. L’air intérieur présente un potentiel PE de type œstrogénique, thyroïdien et anti-androgénique. En accord avec son profil de contamination, l’activité biologique de ce dernier se concentre majoritairement dans la phase gazeuse, et tend à être plus élevée dans la crèche et la maison. Une augmentation du potentiel PE de l’air intérieur est observée d’été en hiver, alors que sa contamination chimique tend à diminuer en période froide. Ces différences de profils saisonniers suggèrent la contamination des habitats par des composés PE non étudiés ou des interactions d’effet entre contaminants de l’air intérieur, appelés effets « cocktail ». Dans ce contexte, une analyse dirigée par les bio-essais, ou effect-directed analysis (EDA), a été mise en œuvre pour identifier les composés cibles à l’origine des effets PE de l’air intérieur. Un extrait de phase gazeuse prélevée dans la crèche en hiver a subi un fractionnement analytique permettant de réduire sa complexité et de répartir son activité PE dans des fractions réalisées en fonction du log Kow des composés cibles. Les composés suivants ont été identifiés comme étant potentiellement à l’origine d’effets PE observés : les phtalates, le méthyl-Parabène, les alkylphénols, la cyperméthrine et les muscs synthétiques. Ce travail apporte des connaissances sur le danger inhérent à la multi-contamination de l’air intérieur ainsi que des données d’exposition utiles à une évaluation des risques sanitaires. Celles-ci montrent que l’inhalation peut représenter une voie d’exposition à certains composés PE non négligeable, surtout pour les populations sensibles telles que les jeunes enfants.

Mots clés : Perturbateur endocrinien, air intérieur, analyse chromatographique, spectrométrie de masse, analyse biologique in vitro, analyse dirigée par les bio-essais

 

Abstract : The main objective of this project was to develop a bio-analytical approach leading to the assessment of the inherent hazard of the indoor air multi-contamination. It is based on chemical and in vitro biological analyses. Multi-residue chromatographic methods combined with mass spectrometry were developed and validated for 62 target molecules known or suspected as endocrine-disrupting (ED) compounds. The two atmospheric phases (gaseous and particulate) of air sampled in four living places (day nursery, house, apartment, office) during two contrasted seasons (summer and winter) were studied for their contamination in target compounds and ED potential. The latter was assessed by cellular bioassays measuring perturbations of transcriptional activity. The data showed that the predominant families of compounds in indoor air were in the following descendant order: phthalates > musks > alkylphenols > parabens. The ED contaminants were mainly present in gaseous phase, and the most contaminated locations were the day nursery and the house. Chemical analyses of outdoor air have highlighted the indoor origin of the majority of the studied compounds. An estrogenic, thyroid and anti-androgenic potential was attributed to indoor air. In agreement with its contamination profile, the biological activity of the latter was concentrated predominantly in the gaseous phase, and tended to be higher in the day nursery and the house. An increase in ED potential of indoor air was observed from summer to winter, while its chemical contamination was tending to decrease in cold period. These seasonal profiles differences suggest the indoor contamination by non-studied ED compounds or interactive effects between molecules in indoor air, named “cocktail effects”. In this context, an effect-directed analysis (EDA) was carried out to identify the target chemicals responsible for the ED effects of indoor air. A gaseous phase extract sampled in the day nursery in winter has undergone an analytical fractionation in order to reduce its complexity and to divide its ED activity between fractions produced using the logKow of the target compounds. The following chemicals were identified as being potentially responsible for the observed ED effects: phthalates, methyl-Paraben, alkylphenols, cypermethrin and synthetic musks. This study allowed to show that is was feasible to apply the EDA methodology to the contamination of an atmospheric matrix. This work provides both knowledge about the inherent hazard of the indoor air multi-contamination and exposure data useful in health risk assessment. The latter have shown that the gaseous phase can represent a substantial exposure route to ED contaminants by inhalation, especially for sensitive populations such as the young children.

Keywords: Endocrine disruptors, indoor air, chromatographic analysis, mass spectrometry, in vitro biological assay, effect-directed analysis

Vendredi, 27 novembre, 2015 - 14:00
Amphi Astier, bâtiment Esclangon, UPMC