Trajectoire temporelle longue des hydrosystèmes : implication pour la restauration d’une anastomose rhénane et perspective de recherche dans le secteur de la Bassée aval

À l’image de nombreux fleuves d’Europe, la fonctionnalité hydromorphologique du Rhin a été fortement impactée par une succession d’aménagements. Le Rhin Supérieur méridional, de Bâle à Iffezheim, correspond au tronçon le plus anthropisé. En rive française, plus de 80% des milieux riverains et des zones humides caractéristiques de cet hydrosystème ont disparu au profit d’espaces urbains, agricoles et portuaires. Des lambeaux de forêts alluviales typiques subsistent de façon sporadique le long de la bande rhénane. Dans ces milieux relictuels, les processus hydromorphologiques, à l’origine du renouvellement de la mosaïque alluviale ont été stoppés et les échanges nappe-rivière, au préalable élevés, ont considérablement diminué. Corrélativement, le caractère hygrophile des écosystèmes forestiers a progressivement décliné et les bras secondaires, déconnectés de la dynamique hydrologique du fleuve, se sont colmatés. L’ensemble de ces perturbations s’observent sur l’île du Rohrschollen. Située au sud-est de la ville de Strasbourg, l’île a été créée en 1970 lors de la construction d’une centrale hydro-électrique. Le Rohrschollen est alors isolé de la dynamique hydrologique naturelle du fleuve. Les submersions y sont rares et statiques, entrainant un déclin des espèces alluviales typiques. Entre 2012 et 2016, le site a fait l’objet d’un ambitieux projet de restauration européen LIFE+ visant à recréer des submersions dynamiques et une morphodynamique active pour favoriser le maintien et le développement d’habitats alluviaux typiques.

La démarche interdisciplinaire développée dans ce travail s’est appuyée sur une étude planimétrique couplée à des analyses hydromorphologiques, physico-chimiques et géochronologiques. La combinaison de l’ensemble de ces approches nous a permis d’imbriquer la restauration dans la trajectoire temporelle longue de l’hydrosystème pour (i) améliorer la compréhension des dynamiques d’ajustement passées et (ii) identifier les principales limites du projet.

Ce travail a permis de montrer l’importance de tenir compte de la trajectoire temporelle longue de l’hydrosystème pour améliorer la compréhension des évolutions hydromorphologiques passées. Pour transposer cette approche dans le cadre du projet mené dans le secteur de la Bassée aval, nous proposons d’utiliser un ensemble d’indicateurs géohistoriques (morphométrie des formes fluviales héritées, paléo-débits à pleins bords) issus de l’analyse des données historiques (cartes anciennes, données hydrologiques et hydrogéologiques) pour reconstruire la trajectoire d’évolution du fleuve sur 150 ans. Cette approche rétrospective doit également nous permettre de construire un modèle de réponse du fleuve aux différents types de forçage.