Projet « GICC-Seine »  

Influence du changement climatique
sur le fonctionnement hydrologique et biogéochimique du bassin de la Seine

Réunion de mi-parcours du 4 juin 2003

Compte-rendu de la matinée



L'objectif du projet GICC-Seine est d'étudier l'influence du changement climatique sur la ressource en eau dans le bassin de la Seine, en relation avec les changements des contraintes anthropiques directes, notamment celles qui sont liées à l'agriculture. Nous nous intéressons non seulement aux impacts hydrologiques du changement climatique, mais aussi aux conséquences directes et indirectes des modifications climatiques sur les flux biogéochimiques (N, P, Si) et sur la qualité des écosystèmes aquatiques (biomasse algale, 02, etc.).

Au cours de cette première année d'activité, le travail s'est beaucoup focalisé sur la construction de scénarios de forçage pour les différents modèles (scénarios de changement climatiques : Action 1 ; scénarios agricoles à 2050 : Action 2).

En terme d'impact, les résultats quantifiés ont essentiellement porté sur celui du changement climatique (à l'exclusion de tout autre changement, même indirect) sur l'hydrosystème (bassin versant et rivière : Action 5 ; bassin hydrogéologique : Action 6). Nous avons enfin obtenu de premiers élements de réponse du système agricole au croisement des scénarios climatiques et agricoles (Action 3 ). Ces résultats, outre leur valeur intrinsèque, permettront de raffiner les scénario agricoles.         
Trois scénarios de changement climatique ont été construits à partir de simulations de changement climatique par le modèle ARPEGE de Météo-France. Ces scénarios OLD, B2, A2 diffèrent par le scénario d'émission en gaz à effet de serre/aérosols qui sous-tend les simulations ARPEGE, et par la version du modèle ARPEGE (B2 et A2 : version plus récente et meilleure résolution spatiale). Ils s'accordent une augmentation de température (de 2.4 à 3.4 C), mais présentent des changements différents des précipitations.
 
Les résultats d'impact présentés antérieurement
sont caducs
(colloque et rapport d'activité PIREN-Seine 2003, rapport de mi-parcours du projet GICC-Seine). En effet, l'acquisition de nouvelles données de forçage atmosphérique 1994-1999 (années chaudes) pour le schéma de surface CaB a montré que la calibration initiale sur les années 1987-1988 était inadaptée.

Une nouvelle calibration satisfaisante (quoique perfectible) a été réalisée, et conduit à des impacts différents du changement climatique sur l'hydrologie du bassin. Ils se résument par :
            - des crues plus importantes en hiver qu'à l'actuel (référence = 1987-1988)
            - des étiages plus sévères en été qu'à l'actuel

En terme d'impact sur la qualité de l'eau, nous avons réalisé des études préliminaires en transmettant au modèle biogéochimique Sénèque les écoulements simulés sous changement climatique par le schéma de surface CaB (les apports diffus et ponctuels de1987-1988 sont utilisés pour la simulation de référence et pour la simulation de changement climatique). Mais nous avons des doutes sérieux sur la dynamique de l'oxygène ainsi simulée. Une validation approfondie des modèles couplés CaB/Sénèque en 1987-1988 et 1994-1999 permettra de lever ces problèmes.


Questions/Discussion :
- les dépots atmophériques secs/humides sont-ils pris en compte ? Indirectement via les modèles STICS/MODCOU/NEWSAM pour les dépots d'azote par temps de pluie.
- des simulations d'impact seront -elles conduites avec des rejets plus plausibles pour l'horizon 2050 que les rejets de 1987-1988 ? OUI : la construction de scénarios correspondants est l'objet de l'action 4.

- quelle profondeur de sol est effective pour le flétrissement de la végétation ? la profondeur racinaire, qui vaut 1 m.

L'impact des scénarios de changement climatique OLD, B2 et A2 sur l'hydrodynamique du bassin de la Seine a été examiné grâce au modèle MODCOU (modèle couplé surface/aquifères). La période de référence couvre 1970-1990.

L'impact sur l'hydrogramme à Poses (aval du bassin) peut se résumer par une augmentation des crues (hiver), et une accentuation des étiages (été-automne).
On note cependant des différences entre les scénarios de changement climatique, qui se traduisent par exemple sur les débits moyens annuels:
- à Poses, ils augmentent selon les scénarios (OLD et A2) mais diminuent selon le scénario B2
- dans l'ensemble du bassin, les variations du débit moyen annuel ont une distribution spatiale différente selon les scénarios (contrastes amont/aval)
Quant aux variations piézométriques relatives au changement climatique, elles sont généralement faibles (amplitude inférieure à 1 m), sauf dans le cas du scénario B2, qui montre des baisses plus importantes de la nappe.

Enfin, l'effet de l'augmentation du CO2 sur l'ETP (via une réduction de la conductance stomatique) ne change par significativement le srésultats.

Questions/Discussion :
- les aquifères plus profond que la Craie (qui affleurent à l'est du bassin) ne sont pas représentés comme une formation aquifère continue dans cette version de MODCOU, mais sont représentées conceptuellement par des réservoirs qui rendent compte de la capacité de stockage en eau (et nitrates) des ces formations.
- est-ce que les changements dûs au changement climatique sont significatifs par rapport à la variabilité naturelle ? ça n'a pas été quantifié statistiquement, mais la plupart des changements sont certainement significatifs.
- pour les gestionnaires, l'impact sur les mois extrêmes est une information plus importante que l'impact sur le débit moyen annuel.
- quelle est l'influence de la spatialisation ? il serait intéressant de comparer l'impact d'un scénario spatialisé (comme ci-dessus) avec l'impact d'un même scénario, mais moyenné spatialement sur l'ensembel du bassin.

L'agriculture fait l'objet d'une analyse particulière car elle influence le fonctionnement de l'hydrosystème et qu'elle est a priori sensible au changement climatique. Elle dépend aussi d'autres déterminants (politiques et économiques) qui doivent être pris en compte en parallèle du changement climatique dans la prospective à l'horizon 2050 de ce secteur.

Une première étape a donc consisté à élaborer, indépendemment du changement climatique, des scénarios contrastés de l'agriculture. Six scénarios à l'horizon 2050 ont été retenus, qui p
euvent se résumer comme la résultante de déterminants technico-économiques (Céréalisation et bioénergie,  Diversification/Grandes cultures industrielles, Agriculture biologique à grande échelle) et de déterminants technico-environnementaux (Agriculture raisonnée, Agriculture de conservation, Infrastructures écologiques).

Ces scénarios sont en cours de traduction pour le modèle agronomique STICS. Cette étape implique une zonation du bassin, en prenant en compte la diversité du système agricole actuel, en lien avec les caractéristiques géologiques et pédologiques. Douze zones homogènes du point de vue des successions culturales et des techniques associées ont ainsi été définies.

L'étape suivante sera la traduction des scénarios agricoles à l'horizon 2050 sur cette base, qui alimentera le modèle agronomique STICS (spatialisé sur ces 12 zones, voir Action 3). Les résultats des simulations croisées changement agricole/changement climatique permettront alors si nécessaire de faire évoluer les scénarios agricoles et d'y internaliser l'impact du changement climatique. Les scénarios agricoles "finaux" alimenteront enfin le modèle MODCOU/NEWSAM couplé à une version finement spatialisée de STICS pour aborder l'évolution à long terme de la contamination azotée des aquifères.

Questions/Discussion :
- parmi les six scénarios agricoles proposés, en existe-t-il un qui soit "bon" en terme d'adaptation au changement climatique et de mitigation de celui-ci ?  le scénario
"Agriculture biologique à grande échelle/Infrastructures écologiques" est le meilleurs candidat : le "bio" réduit la demande énergétique (moins de traitements) et les infrastuctures écologiques peuvent limiter les crues.

Le but premier de cette action est d'évaluer la viabilité sous changement climatique des scénarios agricoles développés dans l'action 2 (sur la base des rendements agricoles notamment). Une retombée très intéressante est une analyse plus générale de l'impact du changement climatique sur le système agricole (ex: dynamique du carbone sequestré dans le sol...).

Ce travail est mené avec le modèle agronomique STICS spatialisé en 12 zones homogènes (voir ci-dessus). Un problème reste la prise en compte de la réduction de la conductance stomatique , et donc de la transpiration, quand le CO2 atmosphérique augmente. Cet effet est pour l'instant pris en compte de manière simplifiée, par des coefficients multiplicateurs (<1) de l'ETP. Une prise en compte plus précise recquiert des données dont nous ne disposons pas à l'heure actuelle.

Pour l'instant, les seules simulations réalisées concernent l'impact du changement climatique (3 scénarios OLD, B2 et A2 comparés au climat de référence 1970-1990), avec l'agriculture actuelle dans tous les cas (référence 1990-2000). Seules 4 zones sur 12 sont simulées (les données nécessaires à la description des 8 autres sont en cours de formattage), mais elles couvrent les principales cultures du bassin et les prairies.

Le changement le plus systématique est une diminution de la durée du cycle culturale, du fait de l'augmentation de la température sous changement climatique. Les rendements changent assez peu (on suppose que le besoin d'irrigation est satisfait) et le drainage hors de la zone racinaire (drainage naturel)  tend à augmenter un peu en moyenne annuelle. Ces analyses restent très préliminaires et seront affinées et complétées.

Questions/Discussion :
- on pourrait mettre en cohérence les scénarios de changement climatique et les scénarios agricoles qui sont liés par des hypothèses sur l'évolution économique et politique de la planète (scénarios A2, B2, A1, B1 qui sous-tendent les scénarios d'émissions du SRES, Synthesis Report on Emission Scenarios)
- irrigation : pour l'instant, il n'y a pas de rétroaction entre climat/ressource en eau et faisabilité de l'irrigation. La relation entre ces deux points sera examinée, et la rétroaction sera du type : ressource en eau suffisante pour l'irrigation nécessaire => culture possible, sinon culture éliminée. En effet, si la ressource en eau est insuffisante, l'agriculteur passera selon toute probabilité à une culture moins exigeante en eau, plutôt que de réduire l'irrigation ce qui réduit le rendement et augmente l'incertitude sur la récolte
.

Ces travaux prospectifs doivent permettre d’estimer (et de spatialiser) les apports ponctuels domestiques et industriels, qui sont des contraintes fortes sur la qualité de l'hydrosystème. Les aménagements hydrauliques de régulation sont une autre piste de réflexion.
Un des objectifs de cette étude est de pouvoir mettre les impacts du changement climatique en perspective de ceux d'autres changements importants dans le bassin.

Plusieurs éléments viendront en appui de cette action, qui démarre juste:
- études rétrospectives réalisées dans le cadre du programme PIREN-Seine (reconstitution sur 50 ans du fonctionnement de l'hydrosystème Seine)
- établissement d'un scénario tendanciel d'évolution du bassin de la Seine à l'horizon 2015 dans le cadre de l'application de la Directive Cadre sur l'Eau. Un scénario tendanciel des rejets domestiques et industriel en 2015 a été réalisé sur l'Oise et sera prochainement complété sur l'ensemble du bassin de la Seine (AESN / Ecodécision / PIREN-Seine)
- un élement "classique" de prospective : les projections démographiques (en France)
- les scénarios SRES (Mondialisation vs. Régionalisation, Economie vs. Environnement)

Les hypothèses les plus fortes concerneront sans doute : l'aménagement du territoire (rural vs. urbain), l'évolution des technologies (industrielles, d'épuration...), le comportement de la société et
la législation environnementale. Ces hypothèses seront pensées en cohérence avec les autres scénarios prospectifs (climat, agriculture), et donc avec les scénarios du SRES.
 

Questions/Discussion :
- les résultats simulés par le modèle Sénèque dans l'Oise sous le scénario tendanciel à 2015 montrent uen augmentation des teneurs en nitrates dans les cours d'eau : pourquoi ? à cause d'une augmentation des apports diffus agricoles (les nappes s'enrichissent en nitrates).

- et le bon état écologique...
Cette action interviendra bien sûr au terme des autres actions. Il s'agira de croiser les différents scénarios (sur climat, agriculture, rejets et aménagements hydrauliques) dans les différents modèles, et de faire dialoguer ces modèles. Deux modèles peuvent être distingués pour leur rôle intégrateur : STICS pour la composante agricole (flux de nitrates vers le souterrain, rendements agricoles, stock de carbone dans le sol, ETP...) et le modèle qui peut intégrer les écoulements spécifiques générés par les autres modèles, les concentrations de nitrates des aquifères simulées par STICS/MDCOU/NEWSAM et les scénarios de rejets et de gestion hydraulique, pour en évaluer l'impact croisé sur la qualité biogéochimique de l'hydrosystème Seine.
- quelles sont les variables de forçage dans les simulations de changement climatique "type IPCC" (comme celles réalisées avec le modèle ARPEGE et exploitées dans le projet GICC-Seine) ? les teneurs en gaz à effet de serre et en aérosols.

- dans la visée opérationnelle d'une adaptation (ou pas) au changement climatique, il est important de hiérarchiser ses impacts par rapport à ceux d'autres changements (mise en perspective)

- le coût d'une adaptation du système agricole au changement climatique est il pris en compte dans la construction des scénarios agricoles ? non, c en'est pas possible avec nos outils.

- le dimensionnement des réseaux d'assainissement urbain est basé sur les caractéristiques des pluies des 150 dernières années ; aura-t-on un idée sur l'évolution de ces caractéristiques (périodes de retour...) sous changement climatique ? malheureusement non dans le cadre du projet GICC-Seine qui exploite des simulations du changement climatique moyen (la variabilité temporelle des précipitations n'est pas la plus grande force de ces modèles). En revanche, le programme GICC soutient le projet IMFREX (coordinateur : Michel Déqué, Météo-France / CNRM) qui s'intéresse à l'évolution des événements extrêmes (pluies/crues, orages, tempètes...) sous changement climatique, en analysant les simulations de changement climatiques à l'aide d'autres outils comme l'analyse en types de temps, etc.

- reformulation de la question précédente : peut-on dire que l'on va vers une "méditerranisation" du bassin de la Seine (avec forts orages estivaux...). Non, on peut pas le dire, c'est beaucoup plus complexe que ça.

- le changement climatique se produira-t-il de façon continue ou abrupte ? de façon continue, modulée par la variabilité climatique naturelle.

- peut-on alors évaluer le climat de 2015 ? on pourrait, mais le signal de changement climatique étant alors plus faible, il sera très brouillé par la variabilité naturelle.


Dernière mise à jour en juin 2003.